C’est après notre interview de Fabien Rengade que nous nous penchons sur le travail de Maïté Baldi.
Peux-tu nous parler de ton projet « GENESIS » ?
Le travail que je vous partage est un “work in progress” car je l’ai débuté récemment, en
janvier 2019, à l’occasion d’une résidence artistique de trois semaines sur le Pays de
Forcalquier, en Provence et dont le fil rouge donné était “le territoire”. La grande question
pour moi était comment appréhender un territoire de plus de 800 km2 en si peu de temps ?
Au cours de mes recherches, je suis tombé sur une création sonore Le poids du ciel de
Provence (Le poids du ciel de Provence, création sonore de Bernard Fort, réalisé par Lionel Quantin.) dans laquelle une astrophysicienne de l’observatoire de SaintMichel,
dit « si on nous mettait tous dans un grand bassin et si l’on nous faisait cuire à grand feu, on aurait un assemblage d’atomes de base qui ont tous été fabriqués par des étoiles géantes il y a 6, 7, 8 ou 10 milliards d’années. C’est donc pour cela que nous sommes tous formés du même
matériau ».
Cette phrase a été pour moi un déclic et j’ai donc choisi le prisme de l’origine et
de l’universel pour aborder ce territoire.
S’il est vrai que nous-mêmes, notre planète et tout ce qui y vit, sommes issus des matériaux
provenant d’étoiles, observer le ciel revient alors à contempler nos origines.
J’étais alors à l’endroit parfait. Sous le ciel le plus pur d’Europe, celui qui fascinait Giono de son temps, cette terre caillouteuse, à la fois mystique et aride, bordée par la montagne calcaire de Lure et criblée de chapelles et oratoires a été mon terrain d’expérimentations des premières
lueurs du jour jusqu’à la tombée de la nuit. J’ai abordé ce bout de terre de Provence comme
un tout dans lequel les éléments sont connectés : de la terre jusqu’au ciel.
Ce travail est le début d’une investigation visuelle sur une des plus grandes questions
jamais posée par l’être humain : celle de l’origine et du sens, interrogation philosophique
dont la science et la religion se disputent la réponse. D’où venons-nous et qu’est ce qui nous donne vie ? Je m’intéresse ici, au-delà de la fausse dichotomie entre la matière et l’esprit, à ce qui nous est commun, à ce qui a été créé il y a des milliards d’années et qui existe en toute chose de ce monde. Je pense continuer le projet sur ce même territoire et de l’étendre à toute la Provence.
Quel matériel utilises-tu ?
Je travaille principalement avec un appareil plein format Nikon et un 35mm fixe. C’est ma
focale de prédilection. J’utilise aussi le Fujifilm X100T. Pour ce projet, j’ai parfois utilisé un flash cobra et des gélatines de couleur.
Une particularité technique ? Ou un exemple de réalisation photo ?
Pour les photographies de galaxies, j’ai travaillé avec le Centre Astro de SaintMichel
de l’observatoire et j’ai eu la chance de pouvoir visser mon boitier sur un télescope placé sous coupole et piloté par ordinateur.
Comment es-tu arrivé à la photo ?
Entre 2011 et 2012 j’ai vécu quelques mois au sein d’une communauté kichwa en forêt
amazonienne d’Equateur. J’étais alors en fin de Master de Coopération Internationale. La
réalité ne correspondant pas à mes attentes, j’ai commencé à la documenter en images
sans trop y penser. Je n’avais aucune démarche définie, j’utilisais seulement mon appareil
devant ce qui me surprenait. Après cela je suis rentrée en Europe, j’ai sauté dans un train
pour Bruxelles et je me suis inscrite à l’École de Photographie Agnès Varda. J’en suis sortie
diplômée fin 2015.
Je dirais que mon propos global et mon style sont encore en construction. Beaucoup de
sujets et d’approches m’intéressent. J’aime faire de la photo de rue, du documentaire, du
reportage et des choses dites plus artistiques. Si je n’ai pas encore bien défini ces aspects
là de mon travail et que j’aborde des sujets divers, il y a cependant un fil rouge : la
recherche de sens. Pourquoi les choses sont comme elles sont ? Qu’est-ce
qui nous pousse à faire ce que l’on fait ? Qu’est ce qui existe au delà des apparences ? C’est drôle d’utiliser la photographie pour saisir ce qui ne se voit pas. Toute chose a plusieurs aspects que l’on peut appréhender, visible et invisible : je pense que je travaille sur les deux.
Quels photographes t’inspirent ?
Pour ce projet en particulier, je ne saurai pas répondre car mes inspirations n’ont pas été
photographiques. C’est un projet qui diffère esthétiquement et méthodologiquement du reste
de mon travail documentaire. Je me suis laissée guider par mon intuition, par ce que j’ai pu
lire des écrits de Giono, entre autres choses. Après coup, j’ai découvert le film de Patricio
Guzman, Nostalgie de la lumière, un documentaire poétique qui relie l’observatoire du
désert de Atacama au Chili, les étoiles et la question de la mémoire (entre autres politique,
avec la dictature de Pinochet) et dans lequel je retrouve en partie mon questionnement
autour du sens et de l’origine.
En général, j’apprécie beaucoup le travail de Alex Webb, Alec Soth, Josef Koudelka, Martin
Parr, Harry Gruyaert, Lauren Greenfield, Alessandra Sanguinetti parmi d’autres !
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